Bagdad au IXe siècle : quand Assassin’s Creed renoue avec l’Histoire, pixel par pixel

Bagdad au IXe siècle : quand Assassin’s Creed renoue avec l’Histoire, pixel par pixel

Depuis sa création en 1986 par les frères Guillemot, Ubisoft s’est imposé comme un acteur majeur du jeu vidéo mondial. L’éditeur français a marqué les esprits avec des franchises emblématiques, notamment Assassin’s Creed, lancée en 2007. Cette saga mêle faits historiques et fiction, plongeant les joueurs dans différentes époques : des Croisades à la Révolution française, en passant par l’Égypte antique ou la Renaissance italienne. Sorti en 2023, Assassin’s Creed Mirage marque un retour aux sources : infiltration, parkour, assassinats ciblés. Mais c’est surtout son ancrage historique et culturel qui le distingue. Le jeu suit Basim Ibn Ishaq, mentor d’Altaïr, établissant un lien direct avec le premier opus tout en explorant avec finesse le Moyen-Orient et ses mystères.

Un contexte historique fidèlement reconstitué

Le jeu transporte le joueur dans le Bagdad du IXe siècle, plus précisément en 861, en plein apogée du califat abbasside — une des périodes les plus brillantes du monde arabo-musulman. Cette époque, marquée par une effervescence intellectuelle, scientifique et politique, est également traversée par de nombreuses tensions : révoltes sociales, luttes de pouvoir au sein du califat, et conflits religieux.

Parmi les références historiques majeures, Assassin's Creed Mirage met en lumière la Maison de la sagesse (Bayt al-Hikma), que l’on peut explorer dans le jeu. Véritable centre de traduction et de savoir, elle symbolise l’ouverture scientifique du califat : les textes grecs, perses ou indiens y furent traduits en arabe, enrichis par les penseurs. Le jeu rend hommage à cette tradition à travers des dialogues inspirés d’intellectuels tels qu’Al-Jahiz ou Al-Kindi.

Le contexte politique n’est pas oublié : plusieurs quêtes secondaires et discussions abordent des événements réels comme les révoltes des Zanj — insurrection d’esclaves noirs dans le sud de l’Irak — où les luttes internes entre les militaires turcs et l’élite abbasside. Ces éléments ancrent Mirage dans une reconstitution vivante, rigoureuse et documentée.

Une atmosphère immersive et une ville métisse

Le Bagdad de Mirage ne se contente pas d’être un simple décor : c’est une véritable œuvre d’archéologie numérique, conçue avec l’aide d’historiens et d’experts de la civilisation islamique. Inspirée de la Ville Ronde fondée en 762 par le calife Al-Mansur, la ville recrée fidèlement ruelles étroites, souks animés, hammams, minarets et caravanes, offrant une immersion saisissante.

Bagdad y est dépeinte dans toute sa diversité : musulmans, chrétiens, juifs et zoroastriens y cohabitent comme à l’époque. Les souks reflètent cette richesse culturelle, mêlant langues, tenues variées et pratiques religieuses. Les tapis, conteurs, érudits et mendiants donnent vie à la ville.

Ce travail de reconstitution a nécessité un effort considérable : les développeurs ont dû s’appuyer sur des récits anciens, des cartes, des manuscrits et des archives, car la Ville Ronde originelle a été détruite au XIIIe siècle par les Mongols. Ce parti-pris rigoureux confère au jeu une dimension pédagogique rare dans le monde vidéoludique.

Un miroir entre passé et présent : un message d’espoir pour la coexistence

En recréant avec soin ce Bagdad du IXe siècle, Assassin’s Creed Mirage offre bien plus qu’une immersion historique : il rappelle que le Moyen-Orient a longtemps été un espace de coexistence, d’échanges culturels et religieux, où des communautés diverses ont su vivre ensemble, partager savoirs et traditions. Ce portrait d’une ville métisse et vibrante s’impose comme un contrepoint aux conflits et divisions qui traversent encore trop souvent cette région aujourd’hui.

En cela, le jeu invite les joueurs à réfléchir sur la richesse du dialogue interculturel et sur l’importance de préserver cet héritage de tolérance dans le monde contemporain. Ubisoft, par cette œuvre, ne se contente pas de divertir : il contribue à faire connaître une mémoire plurielle, porteuse d’un message d’espoir face aux fractures actuelles.

Un hommage vidéoludique à une civilisation brillante

Assassin’s Creed Mirage s’impose comme une passerelle entre passé et présent, entre mémoire et imaginaire. La culture islamique y est traitée avec respect, loin des clichés souvent véhiculés dans les productions occidentales. Le jeu a été salué par de nombreux historiens pour la qualité de sa reconstitution, son ancrage dans la réalité architecturale et politique de Bagdad, et sa capacité à raconter l’Histoire sans la trahir.

Enfin, Mirage renforce l’unité narrative de la saga en créant un lien fort avec le premier opus de 2007. Il n’est pas qu’un hommage : il est un chaînon essentiel dans la compréhension de l’univers Assassin’s Creed, et un vibrant témoignage du potentiel éducatif du jeu vidéo sur l’histoire du Moyen-Orient.