Israel et l’Afrique : des racines  historiques à une alliance géo- économique clef

Israel et l’Afrique : des racines historiques à une alliance géo- économique clef

Si loin et pourtant si proches. Le vaste continent africain commence à l’encolure de l’embryonnaire État hébreu. Seulement 613 kilomètres séparent Israël de l’Égypte, tandis que la Libye, le Soudan et l’Érythrée se trouvent à environ 1 400 kilomètres de là — soit l’équivalent d’un New York - Dallas. Rarement comparés, rapprochés ou confrontés dans les médias, Israël et les pays africains entretiennent pourtant des liens étroits et fructueux. Cameroun, Éthiopie, Ghana, Maroc, Ouganda, Kenya, République démocratique du Congo, Tanzanie... De l’agriculture de pointe à la cybertech, les partenariats protéiformes avec Israël se multiplient du nord au sud du continent africain depuis maintenant plusieurs décennies.

1960 – 1980 : genèse d’un partenariat stratégique

Bien avant les accords d’Abraham, ratifiés en octobre 2020 — où Rabat et Khartoum répondent à l’appel de normalisation des relations diplomatiques avec Tel-Aviv —, les années 1960 annonçaient déjà un nouvel horizon de coopération et de développement économique entre l’Afrique et Israël. En 1969, trente-deux États africains nouvellement indépendants accueillent la future Start-Up Nation en ouvrant des ambassades, bientôt doublées de liens économiques. En parallèle, entre 1958 et 1970, de nombreux centres de formation israéliens accueillent près de 6 000 stagiaires issus des pays partenaires dans une panoplie de secteurs : administration publique, agriculture et même syndicalisme avec la Histadrout (centrale syndicale israélienne). Résultat : en 1972, les exportations d’Israël vers l’Afrique atteignent 37,4 millions de dollars, tandis que les importations en représentent 20,4 millions.

Le voyage d’Anouar Al-Sadate à Jérusalem en 1977, prélude au traité de paix entre Israël et l’Égypte, vient poser une nouvelle pierre à l’édifice israélo-africain. En l’espace de sept ans, les exportations israéliennes doublent pour atteindre 75 millions de dollars en 1979. En janvier 1984, c’est au tour du Zaïre, puis du Libéria, d’accueillir Haim Herzog, alors président d’Israël.

L’aide israélienne se déploie à de multiples échelles. Elle touche aussi bien les infrastructures — avec la société Solel Boneh présente au Nigeria et au Ghana — que l’équipement militaire (formation et encadrement en Éthiopie, en Ouganda, au Kenya et en Tanzanie avant 1971). Mais c’est dans le domaine de l’agriculture de précision que cette coopération s’est révélée particulièrement innovante.

High-tech israélienne : nourrir les sols, sécuriser les réseaux

Agriculture :

L’un des fleurons de cette révolution agricole est Netafim, entreprise spécialisée dans l’irrigation au goutte-à-goutte, pionnière en la matière. En 2014, les ventes africaines de ses systèmes représentaient 100 des 800 millions de dollars du chiffre d’affaires global. Le principe est simple : hydrater le sol là où c’est nécessaire, quand c’est nécessaire, avec un minimum de gaspillage. Une idée née dans le désert du Néguev et désormais implantée dans les savanes africaines.

Cybersécurité :

À mesure que les relations agricoles se solidifient, une autre forme de coopération s’épanouit entre Israël et l’Afrique : la cybersécurité. Le Maroc est devenu le premier point d’ancrage de cette stratégie, avec l’implantation de Check Point Software Technologies à Casablanca (CPS). Cotée au Nasdaq, l’entreprise israélienne fournit des solutions avancées de protection numérique.

Le Ghana suit une trajectoire similaire. Lors du Chief Information Security Officers Summit en avril 2025 à Accra, l’ambassadeur israélien Roey Gilad a appelé à un renforcement des coopérations entre gouvernements et entreprises pour endiguer les cybermenaces. Ce partenariat trouve ses racines dans les accords signés dès 2020 entre Ursula Owusu-Ekuful, alors ministre de la Communication du Ghana, et les autorités israéliennes. Israël s’engageait à partager son expertise dans les domaines des télécommunications et de la cybersécurité, alors que le Ghana faisait face à des pertes directes estimées à près de 50 millions de cedis sur les seuls six premiers mois de l’année 2023.

Israël, dont le secteur cyber a attiré 3,8 milliards de dollars d’investissements en 2024 — soit 36 % des investissements technologiques du pays —, voit dans ces alliances africaines un relais de croissance, mais aussi un terrain d’application pour ses technologies les plus avancées.

Des partenariats d’avenir : l’ingénierie israélienne au cœur du développement congolais

L’un des partenariats les plus prometteurs est celui qui se dessine entre Israël et la République démocratique du Congo (RDC). En septembre 2023, lors de la 78e Assemblée générale de l’ONU, le président Félix Tshisekedi et le Premier ministre israélien ont annoncé le déplacement de l’ambassade congolaise à Jérusalem — geste diplomatique fort — en échange de l’ouverture d’une ambassade israélienne à Kinshasa. Ce rapprochement scelle une nouvelle ère de coopération bilatérale dans des secteurs-clés : infrastructures, agriculture, sécurité et cybersécurité.

Israël, qui ne dispose que de peu de ressources naturelles et où l’eau se fait rare, mise sur son savoir-faire technique pour soutenir la RDC. L’agence Mashav, bras de la coopération internationale israélienne, joue un rôle de levier en proposant des formations dans des domaines variés, de l’irrigation à la gestion publique.

Dans le domaine sécuritaire, la RDC pourrait bénéficier de l’expérience d’entreprises israéliennes déjà implantées sur le continent depuis des décennies. Le MER Group, par exemple, actif à Kinshasa depuis 2006, est spécialisé dans la sécurité électronique et les télécommunications. Israël, qui collabore avec le Cameroun depuis les années 1990 pour la surveillance électronique des palais présidentiels, pourrait répliquer ce modèle en RDC, à la demande de Kinshasa.

Tel Aviv-Khartoum : une proximité stratégique à réactiver

Si les relations entre Israël et le continent africain ont parfois connu des phases de repli, les récents signaux venus du Soudan suggèrent un frémissement diplomatique porteur d’espoir. Deux ans après le chaos provoqué par la guerre civile, un émissaire soudanais se serait discrètement rendu en Israël en 2025 pour relancer les discussions autour des accords d’Abraham, suspendus depuis le putsch militaire de 2021. Dans un contexte de crise humanitaire aiguë, ce retour au dialogue pourrait ouvrir la voie à une coopération pragmatique — notamment en matière d’aide humanitaire, de sécurité et de développement agricole. Israël, fort de son savoir-faire technologique, peut devenir un partenaire clé pour la reconstruction soudanaise, mais aussi pour la stabilité de la région.

Sources :  

ACP - RDC / Israel : la promotion de l'agriculture, une priorité de développement du pays

CSA News - Ghana leads conversations at third round csio summit on advancing cybersecurity leadership in Ghana

Cyber Security Mag - plan de lutte contre le cybercrime, coopération entre le Ghana et Israel

Emmanuel Navon - L’Étoile et le Sceptre : Histoire Diplomatique d'Israël

Ghana Business News - La collaboration est essentielle pour renforcer le numérique, selon l’ambassadeur d’Israël

Ifri - que retenir de la décénnie Netanyahou ?

Jeune Afrique - Economie entreprises : la ruée vers le Maroc des sociétés de cyber-sécurité israéliennes

Time Of Israel - la technologie israélienne au service de l'Afrique de l'Est

TV5 Monde - Afrique : quelles sont les raisons du rapprochement entre Israel et la RDC