
L’Orient des Perles : le Golfe, Berceau de l’Or Blanc

Histoire et développement du commerce de la perle fine dans le Golfe
Marqué par l’accélération des échanges liée à la mondialisation naissante, des 1870 à 1910, le Golfe trace les contours des futures routes de la perle. Après 1880, conséquence de l’effondrement des pêcheries de Ceylan et de la mer Rouge, les perles du Golfe s’imposent sur la scène internationale. La demande mondiale se fait de plus en plus pressante, et les sociétés industrialisées occidentales, sensibles à l’esthétique et à la rareté, manifestent un intérêt croissant pour ces joyaux marins. Le Golfe devient ainsi un espace-monde : marchands européens, américains, indiens et arabes s’y croisent, alimentant un réseau commercial foisonnant.
Ce développement rapide fait du Golfe le théâtre d’une véritable ruée vers la perle, où les intérêts économiques se doublent d’enjeux géopolitiques. L’Allemagne et la Grande-Bretagne s’affrontent pour le contrôle du commerce, reflet des tensions internationales qui agitent la fin du XIXe siècle. Dans ce contexte, la couronne britannique impose une législation maritime : des zones de pêche sont délimitées, reconnues comme “appartenant de droit aux Arabes”, instaurant un embryon de zone économique exclusive.
Par terre pieds elles sont dues les prisesQuand l’Orient habille l’Occident : exportation et spécialisation portuaire
Les perles, une fois récoltées, sont exportées vers différents marchés. Certains ports arabes et perses deviennent des plaques tournantes du commerce perlier. Le Bahreïn, avec Manama en figure de proue, joue un rôle central dans la structuration de ce réseau. Sur la rive perse, Lingeh s’illustre par sa spécialisation dans la commercialisation. Chaque région a ses préférences : Bagdad préfère les perles petites et blanches, tandis que l’Inde privilégie les grosses perles aux reflets complexes, achetées en grande quantité. En Europe occidentale, Londres et Hambourg se distinguent comme marchés majeurs. La vogue du bouton de nacre, très appréciée dans la mode romantique, stimule fortement la demande au XIXe siècle. Des sociétés comme Dumas, travaillant pour les maisons Volart Brothers et Fuhrmaister Klose and Co., viennent même directement négocier avec les cheikhs du Golfe.

La perle traverse les cultures et les époques, habillant autant les souverains d’Orient que les figures de la monarchie européenne. La Reine Victoria, peinte en 1899 à l’âge de 78 ans par Heinrich von Angeli, arbore un imposant collier de perles tombant en cascade et un bracelet assorti. Sobriété imposée par l’étiquette du deuil, où seul le noir et les perles sont tolérés, la monarchie britannique adopte un code vestimentaire rigide. Ainsi, l’Orient perlier, dans toute sa luxuriance, vient discrètement habiller les figures occidentales les plus codifiées.
La perle traverse les cultures et les époques, habillant autant les souverains d’Orient que les figures de la monarchie européenne. La Reine Victoria, peinte en 1899 à l’âge de 78 ans par Heinrich von Angeli, arbore un imposant collier de perles tombant en cascade et un bracelet assorti. Sobriété imposée par l’étiquette du deuil, où seul le noir et les perles sont tolérés, la monarchie britannique adopte un code vestimentaire rigide. Ainsi, l’Orient perlier, dans toute sa luxuriance, vient discrètement habiller les figures occidentales les plus codifiées.
Pas de Quartier pour Cartier : perles de culture et effondrement du marché de la perle fine
Mais cette prospérité n’est pas éternelle. La fin du XIXe siècle se solde par une succession de crises naturelles : serpents de mer, crabes et parasites marins ravagent les bancs d’huîtres. Des pluies anormalement abondantes déséquilibrent quant à elles l’écosystème. À cela s’ajoute une pression internationale croissante sur les ressources perlières.
En 1916, deux Japonais déposent un brevet d’invention permettant de produire artificiellement des perles parfaites. Dès 1928, les perles de culture inondent le marché. En 1930, le prix des perles naturelles chute de 85 %. La maison Cartier, alors fortement dépendante de ce commerce, est durement touchée. Pierre Cartier tente de réagir : dans sa boutique new-yorkaise, il expose un collier estimé à 21 millions d’euros actuels, composé de deux rangs de perles parfaites. L’épouse du magnat Maisie Plant l’échange contre un hôtel particulier situé sur la 5e Avenue. Le message est clair : la perle demeure un bien d’exception. Pourtant, le collier sera revendu à un quart de sa valeur 50 ans plus tard. L’héritage est là, mais le marché a changé.
Perles sur Canapé : le retour en force de la perle dans les bijouteries contemporaines
En février 2022, Tiffany & Co. rend hommage à la perle naturelle lors d’une présentation à Doha. Vingt-et-une pièces uniques, réalisées à partir de dessins de Jean Schlumberger, intègrent des perles d’exception issues de la collection de la famille Al Fardan. Ce geste confirme la volonté du joaillier américain d’établir un partenariat durable avec les fournisseurs du Golfe. En mars 2018, Sotheby’s Paris mettait déjà à l’honneur un collier de seize perles fines exceptionnelles, estimé entre 650 000 et 850 000 euros.
Aujourd’hui, le marché mondial des bijoux en perles est estimé à 11,81 milliards de dollars (2023), avec une prévision de 31,92 milliards pour 2030. Le Moyen-Orient, et en particulier le Golfe, reste un acteur clé du segment des perles naturelles haut de gamme. Le marché des montres et bijoux de luxe dans le Golfe devrait passer de 114,5 à 188,4 millions USD entre 2024 et 2029. Aux Émirats arabes unis, le segment montres et bijoux atteint déjà 3,12 milliards d’euros en 2025. La tradition perlière y devient ainsi un véritable levier de croissance.
Transmission et avenir : l’étonnante bijouterie Mattar au Bahreïn
À Bahreïn, la bijouterie Mattar, tenue par Faten Mattar, incarne la continuité de cette tradition. Depuis 22 ans, elle perpétue le savoir-faire familial tout en adaptant ses collections aux goûts contemporains. Le centre Danat, laboratoire de gemmologie de pointe, mène parallèlement des recherches sur les effets du changement climatique sur la production perlière. Température de l’eau, pollution, acidification : autant de facteurs qui modifient la qualité et la quantité des perles.
Aujourd’hui, l’objectif affiché par les professionnels du secteur est le suivant : faire des perles naturelles un objet de désir pour tous. Fascinantes par leur genèse naturelle, indomptables face à la standardisation, les perles du Golfe reflètent un univers rare, où la beauté rime avec mystère et tradition.
Sources :
Le Point : Cartier, Tiffany... L'aura retrouvée des perles fines
RTL : In the Gulf, Bahrain Revives Its 100% Natural Pearl Tradition
Statista : Luxury Watches & Jewelry - GCC
Vogue : The Centuries of Symbolism Wrapped Up in Royal Mourners' Pearls