TotalEnergies, Alstom, Orange : ces groupes français qui  investissent dans le Moyen- Orient de demain

TotalEnergies, Alstom, Orange : ces groupes français qui investissent dans le Moyen- Orient de demain

Depuis près de mille ans, la France entretient des liens étroits avec l’Orient. Des croisades du XIe siècle aux alliances diplomatiques, comme celle nouée entre François Ier et Soliman le Magnifique au XVIe siècle, en passant par l’intérêt marqué de Napoléon III pour l’Algérie au XIXe siècle, cette relation n’a cessé d’évoluer, oscillant entre rivalités et fascination. « Vers l’Orient compliqué, je volais avec des idées simples. » Cette maxime du général de Gaulle, tirée de ses Mémoires de guerre, illustre bien la complexité des relations franco-orientales, notamment à l’heure des indépendances libanaise (1943), syrienne (1946), marocaine et tunisienne (1956).

Mais à partir des années 1970, ce ne sont plus seulement les diplomates qui façonnent ces échanges : les entreprises prennent le relais. L’essor du commerce international renforce les liens économiques entre Paris et des capitales comme Beyrouth, Damas, Tel-Aviv ou Téhéran. L’industrie automobile française en profite pleinement : en 1965, elle réalise 1,14 milliard d’euros d’exportations vers la région, où près d’un tiers des véhicules en circulation sont des Peugeot.

Aujourd’hui, ces échanges se réinventent autour de nouvelles industries. Fin 2023, les secteurs agroalimentaire, chimique et pharmaceutique affichent une croissance record, totalisant 2,5 milliards d’euros d’échanges – plus du double du volume enregistré durant les Trente Glorieuses. Dans L’Esprit des lois Montesquieu louait les « vertus pacificatrices » du commerce, une vérité qui trouve un écho particulier en 2025 où des géants français des télécommunications, des infrastructures ferroviaires et du secteur pétrolier investissent massivement au Moyen-Orient. Parmi eux, trois grands acteurs se démarquent par leur implantation stratégique dans la région.

Les voici :

#1 - Orange et Eutelsat unissent leurs forces pour connecter le Moyen-Orient et l’Afrique

“Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin.” Ce dicton, Orange et Eutelsat l’ont fait leur. Le 4 mars dernier, les deux groupes français ont annoncé un partenariat stratégique en Afrique et au Moyen-Orient, visant à connecter les zones les plus isolées grâce à un accès internet haut débit. Concrètement, Orange s’appuiera sur la capacité satellitaire d’Eutelsat Connect pour fournir une connexion “fiable et sécurisée” aux particuliers et aux entreprises, tout en s’adaptant aux réalités locales et aux réglementations nationales.

Le déploiement suivra un axe nord-sud : la Jordanie sera la première à en bénéficier, avant un élargissement progressif à la Côte d’Ivoire, au Sénégal et à la République démocratique du Congo. Fort de sa présence internationale – avec 241 millions de clients dans 26 pays en 2022 –, Orange multiplie les initiatives ambitieuses. L’entreprise avait déjà collaboré avec OpenAI et Meta pour intégrer des langues africaines dans les modèles d’IA open source. Ce nouveau projet confirme qu’à la croisée des télécommunications mobiles et du spatial, l’innovation est au rendez-vous.

#2 - Alstom prolonge les routes de Riyad et accélère la transition ferroviaire saoudienne

Connexion. Connexion linguistique, numérique, commerciale... Le mot est devenu le fil rouge des mutations politico-économiques des États du Golfe. En Arabie saoudite, cette connexion prend désormais une dimension terrestre. Avec une superficie quatre fois supérieure à celle de la France, le royaume peinait autrefois à structurer efficacement son réseau de transport. Cette époque touche à sa fin. Le 27 novembre 2024, Riyad a inauguré sa toute première ligne de métro, un projet ambitieux réalisé en collaboration avec Alstom et la Commission royale pour AlUla. Ce réseau ultramoderne s’étend sur 176 kilomètres et comprend six lignes, officiellement mises en service le 1er décembre. Alstom, leader européen du matériel ferroviaire, a équipé quatre d’entre elles, tout en fournissant un système de signalisation avancé et une technologie de récupération d’énergie au freinage.

Dans un monde globalisé, où l’abaissement des barrières commerciales stimule les flux de marchandises, le marché du transport ferroviaire est une manne d’opportunités financières. Entre 2017 et 2019, il représentait plus de 42 milliards d’euros à l’échelle mondiale. Avec un taux de croissance annuelle composé de 2 % (Mordor Intelligence), il devrait dépasser les 44 milliards d’euros d’ici 2027. Le Royaume saoudien l’a bien compris et mise sur ce secteur en pleine expansion. L’essor du commerce international et la multiplication des accords commerciaux favorisent le développement des infrastructures. Autrefois handicapé par des coûts élevés, le transport ferroviaire est aujourd’hui dix fois moins cher que la route et consomme vingt fois moins de carburant. Dans ce contexte, les investissements en infrastructures et technologies devraient poursuivre leur accélération, consolidant le rôle du rail dans la mobilité de demain.

#3 - TotalEnergies : cap sur le Moyen-Orient pour redresser sa trajectoire

TotalEnergies SE figure parmi les premiers groupes pétroliers mondiaux, mais l’année 2024 marque un ralentissement de ses performances. Son chiffre d’affaires est passé de 214 millions d’euros en 2023 à 206 millions en 2024, tandis que son coût d’endettement a augmenté, atteignant 1 million d’euros contre 921 000 l’année précédente. Face à ces défis financiers, la major française doit adapter sa stratégie pour retrouver une dynamique ascendante.

En Irak, le groupe a lancé, le 10 janvier dernier, la construction accélérée d’une unité de traitement des gaz de pétrole extrait du champ pétrolier de Ratawi, dans la région de Bassora. Objectif : réduire le torchage et limiter les émissions polluantes. Ce projet s’inscrit dans un investissement de 10 milliards de dollars, initialement non prévu dans le pays. Sous la pression du gouvernement irakien, qui souhaite afficher des progrès dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre tout en sécurisant son approvisionnement en gaz pour ses centrales électriques, TotalEnergies devra faire montre de résilience et de créativité pour s’adapter à l’agenda politique de Bagdad.

À Oman, la major française accélère sa diversification avec le lancement de Marsa, un projet de gaz naturel liquéfié (GNL) développé en partenariat avec la société d’investissement OQ. L’objectif est de produire du GNL à partir d’énergie solaire, destiné au transport maritime local, une première dans la région. Sur fond de crise énergétique persistante en Europe, TotalEnergies cherche à verdir son image. Le groupe consacre désormais 3 % de ses effectifs à OneTech, son département dédié à la recherche et au développement en faveur de cette la transition. Parmi ses initiatives phares, il prévoit de réduire de 80 % ses émissions de méthane en dix ans, notamment grâce au déploiement de drones capables de détecter les fuites de gaz à l’échelle mondiale.

Sources :

ABC Bourse : Profil société de TotalEnergies

L'Usine Nouvelle : Internet par satellite : Partenariat entre Orange et Eutelsat en Afrique et au Moyen-Orient

Mordor Intelligence : Analyse de la taille et de la part du marché du fret ferroviaire – Tendances de croissance et prévisions (2024-2029)

Statista : Groupe Alstom - Faits et chiffres

Statista : Orange - Faits et chiffres

Statista : TotalEnergies - Faits et chiffres

Crédits image : LCRS Politica - le retour en fanfare de TotalEnergies en Irak