Wajdi Mouawad, dramaturge libanais passionné et militant

Wajdi Mouawad, dramaturge libanais passionné et militant

Wajdi Mouawad est un dramaturge, metteur en scène, comédien et directeur de théâtre né au Liban en 1968. Son parcours est marqué par l'exil et la quête d'identité, des thèmes omniprésents dans ses œuvres. Ayant fui la guerre civile libanaise à l'âge de dix ans, il a vécu en France avant de s'installer au Canada en 1983. Diplômé de l'École Nationale de Théâtre du Canada en 1991, il fonde plusieurs compagnies théâtrales et se fait notamment connaître avec des pièces comme Journée de noces chez les Cromagnons (1994) et Littoral (1997).

La profonde influence de l'exil  

Le travail de Mouawad est intimement relié à son enfance et profondément influencé par sa difficile expérience de l'exil. Ses pièces mettent souvent en scène des personnages en crise identitaire, marqués par des traumatismes personnels et historiques. Des œuvres comme Incendies (2003), adaptée au cinéma par Denis Villeneuve, et Seuls (2008) explorent ces thèmes avec une remarquable intensité. L’écriture de Mouawad reflète une douleur intime et un questionnement profond sur l'identité et l'appartenance. Par exemple, dans Visage retrouvé et Seuls, les protagonistes sont des alter ego de l'auteur, luttant pour réconcilier leurs souvenirs d'enfance avec leur réalité d'adultes déracinés. Ces personnages tentent de colmater les fissures de leur identité brisée par l'exil, cherchant à retrouver un sentiment de plénitude qu'ils ont perdu en quittant leur pays d'origine.

L’art au service de l’unité

Mouawad utilise son art pour aborder des questions de justice sociale et de mémoire historique. De plus, il critique les conflits et les divisions politiques, cherchant à créer des ponts entre les cultures et les peuples. Par exemple, en 2017, sa pièce Tous des oiseaux provoque une polémique en raison de la participation d'acteurs israéliens et du financement partiel par l'ambassade d'Israël à Paris. Cette controverse est exacerbée par les tensions géopolitiques entre Israël et le Liban. Mouawad défend néanmoins l'importance du dialogue interculturel et de la compréhension mutuelle, malgré les critiques et les menaces.

Il y a quelques jours, Mouawad s’est retrouvé de nouveau au cœur d'une controverse politique avec sa pièce Journée de noces chez les Cromagnons. Prévue initialement pour être jouée à Beyrouth, la pièce a dû être annulée en raison de menaces et de pressions liées à sa supposée proximité avec Israël. Cette situation n’est pas exceptionnelle et reflète les tensions persistantes et les divisions au sein du monde artistique libanais, très exacerbées par le contexte géopolitique actuel. 

Crédit :Fadi Abi Samra et Jean Destrem, dans « Journée de noces chez les Cromagnons », de Wajdi Mouawad, à La Colline, à Paris, le 14 mai 2024.  Simon Gosselin

Malgré tout, face à cette nouvelle épreuve, Wajdi Mouawad ne baisse pas les bras. Déterminé à faire entendre sa voix et celle de ses personnages, il se bat pour que Journée de noces chez les Cromagnons puisse être diffusée. Mouawad trouve un allié précieux en la personne de Josyane Boulos, directrice du Théâtre Le Monnot, qui a courageusement communiqué sur les pressions subies et les menaces reçues par son équipe. Ensemble, ils travaillent à trouver des solutions, notamment en mobilisant un réseau, pour que la pièce puisse être présentée au public libanais, même si cela signifie envisager des alternatives telles que des diffusions en ligne ou des représentations dans des lieux moins exposés. 

Espoir et résilience

Pour Mouawad, ce combat est plus qu'une simple bataille pour la diffusion de sa pièce : c'est une lutte pour la liberté d'expression, la justice et la dignité humaine. Il voit dans les défis actuels une opportunité de renforcer la solidarité au sein de la communauté artistique et de rappeler l'importance de l'art comme vecteur de changement social et de dialogue interculturel. En dépit des menaces et des pressions, Mouawad reste fidèle à ses convictions et déclare avec détermination : 

« Je continuerai à parler de cette terre que j’aime et de cette guerre que je n’aime pas. C’est mon rôle » 

Son engagement inspire non seulement ses collègues et ses amis, mais aussi un public de plus en plus large qui reconnaît l'importance de penser un autre avenir que celui du conflit. À travers ses œuvres et ses actions, Wajdi Mouawad démontre que l'art peut et doit être un espace de résistance, de réflexion et de réconciliation. Sa détermination à faire entendre sa voix et celle de ceux qu'il représente est un rappel puissant de la capacité de l'art à transcender les barrières et à créer des ponts entre les cultures et les peuples.

Sources :

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-masterclasses/wajdi-mouawad-il-y-a-une-ligne-une-ethique-qui-se-joint-au-geste-de-la-creation-et-qui-devient-une-veritable-vocation-9807015

https://leclaireur.fnac.com/article/38465-wajdi-mouawad-le-theatre-comme-terre-dexil/

https://revuepostures.com/fr/articles/gareau-12

https://www.lemonde.fr/culture/article/2024/06/06/au-printemps-des-comediens-wajdi-mouawad-si-loin-si-proche-du-liban_6237557_3246.html