Croissance, ambition, transformation : la région MENA entre dans une nouvelle ère

Croissance, ambition, transformation : la région MENA entre dans une nouvelle ère

Et si 2025 marquait le début d’un véritable rebond pour les économies du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord ? Après une année 2024 marquée par une croissance timide, les prévisions de la Banque mondiale annoncent un retour progressif de l’activité dans la région MENA avec un PIB réel en hausse de 2,6 % en 2025, puis de 3,7 % en 2026. Cette reprise, bien que modeste, porte en elle le potentiel d’une transformation plus structurelle, celle du passage d’économies basées sur les hydrocarbures à des économies de services.

Source : The World Bank Group, WBG, Washington DC

La montée en puissance des économies du Golfe

En 2024, la région n’a enregistré qu’une croissance de 1,9 %, freinée par la faiblesse de la demande mondiale, la volatilité des marchés pétroliers et des tensions géopolitiques persistantes. Pour 2025, la Banque mondiale mise sur la fin progressive des coupes de production de l'OPEP, le rebond du secteur agricole et la résilience de la consommation privée comme moteurs principaux du redressement. Dans le détail, les pays membres du Conseil de coopération du Golfe (GCC) devraient connaître une croissance de 3,2 % en 2025, et jusqu’à 4,5 % en 2026. Pour les pays exportateurs de pétrole en développement, la croissance attendue est de 0,8 % en 2025, et 2,4 % l’année suivante. Les importateurs de pétrole, quant à eux, pourraient bénéficier d’une conjoncture plus favorable avec une croissance de 3,4 % en 2025, puis 3,7 % en 2026. Des pays comme l’Égypte devraient ainsi voir leur croissance passer de 2,4 % en 2024 à 3,8 % en 2025, soutenue par la consommation des ménages et un recul de l’inflation. Le Maroc, quant à lui, pourrait enregistrer une croissance de 3,4 %, et la Tunisie, de 1,9 %.

Les pays du Golfe pourraient bénéficier d’un regain de croissance porté par la hausse attendue de la production pétrolière à partir de mai 2025. L’Arabie saoudite, en particulier, verrait son PIB croître de 2,8 %, contre 1,3 % en 2024, grâce à la contribution croissante de ses secteurs non pétroliers. De son côté, l’inflation devrait rester globalement contenue en 2025 avec un taux médian estimé à 2,4 % pour la région. Néanmoins, ce chiffre masque des disparités : parmi les pays importateurs, l’inflation passerait de 4,6 % en 2024 à 3,6 % en 2025, tandis qu’elle resterait autour de 2 % dans les économies du Golfe. En Algérie, la tendance est encore plus marquée, avec une inflation qui serait passée de 9,3 % en 2023 à 4 % en 2024, selon la Banque mondiale. 

Le défi du capital humain : libérer les talents féminins

Au-delà des chiffres, le dernier rapport de la Banque mondiale met l’accent sur le rôle décisif du secteur privé pour libérer un potentiel de croissance durable. Aujourd’hui, celui-ci reste largement sous-exploité. Selon le rapport, la majorité des entreprises de la région investissent peu, innovent rarement et peinent à former leurs employés. La productivité du travail stagne, et un écart considérable persiste entre un petit secteur formel et une économie informelle massive. Roberta Gatti, économiste en chef pour la région MENA à la Banque mondiale souligne que : “Un secteur privé dynamique est essentiel pour libérer une croissance durable et une prospérité inclusive dans la région”. Pour y parvenir, les gouvernements doivent “jouer leur rôle de garants de marchés compétitifs”. Ainsi, le rapport recommande une amélioration de l’environnement réglementaire, une meilleure collecte et utilisation des données économiques, plus de concurrence, et une remise en question du rôle des entreprises publiques trop dominantes dans certains pays.

Autre levier essentiel pointé par la Banque mondiale : l’optimisation du capital humain, et en particulier la participation des femmes à l’économie. Trop souvent exclues du marché du travail, les femmes représentent une source de croissance encore largement négligée. “Les entreprises peuvent attirer plus de talents en recrutant des femmes leaders, qui à leur tour embaucheront plus de femmes”, explique Ousmane Dione, vice-président de la Banque mondiale pour la région MENA. Selon lui, réduire l’écart d’emploi entre hommes et femmes pourrait augmenter le revenu par habitant d’environ 50 %. De plus, au-delà des grands chantiers structurels, le changement passera par une diffusion des meilleures pratiques de gestion dans les entreprises, un soutien accru aux entrepreneures et à un effort d’inclusion économique général qui passe aussi par une libéralisation des mœurs.

La région MENA entre dans une phase déterminante de son avenir. La croissance revient, mais elle ne suffit pas. Sans transformation structurelle, sans réforme du marché du travail, sans modernisation du secteur privé et sans inclusion des talents féminins, ce sursaut risque de rester fragile. Des efforts restent donc à faire mais beaucoup ont déjà été faits. Les gouvernements ont bien compris que devant eux se dresse l’opportunité de bâtir l’avenir d’une région prospère.

Sources :

https://economymiddleeast.com/news/mena-region-growth-rise-2-6-percent-2025-world-bank/

https://www.arabnews.com/node/2598261/business-economy

https://www.worldbank.org/en/region/mena/publication/mena-economic-monitor